« Un nom…se distingue entre tous, étranger à toute notion entachée de secret, de suspicion, de confusion, à toute notion de fausse érudition, d’esclavage intellectuel : ce nom, c’est celui de Krishnamurti, homme de notre temps dont on peut dire qu’il est rendu maître de la réalité – mais qui est aussi un être à nul autre pareil. » Henry MILLER
En 1972, la rencontre avec Henry Miller fut capitale pour moi dans la mesure où elle décida de la suite de ma vie et marqua le début de la rupture définitive avec ce que mes parents, la famille, la société…attendaient de moi. En 1974, alors en Doctorat de Sciences Politiques et en 2ème et dernière année de l’Institut Français de Presse et des Sciences de la Communication (IFP), stagiaire au journal « Le Monde » – le must pour un journaliste en devenir -, la décision de tout arrêter pour me consacrer à ce qu’il me semblait être juste pour moi s’imposa à moi. Je laissais tomber le monde universitaire et les possibilités de « grandes carrières » qui s’offraient à moi pour un avenir hypothétique et improbable. Je dois dire que, d’une certaine manière, cette orientation que prenait ma vie si elle m’exaltait d’un côté parce que je sentais qu’elle m’appelait, me faisait peur et m’angoissait d’un autre côté car je ne voyais pas ce que je pourrais faire pour assurer ma survie matérielle. Dans ces années, tout le mouvement que l’on appelle aujourd’hui « le développement personnel » n’existait pas encore vraiment, en tout cas il n’y avait pas tous ces thérapeutes, ces groupes, ces enseignements, qui peuvent être des soutiens dans des périodes de transformation et de réorientation radicales. J’avais la peur au ventre quand je pensais à mon avenir mais le sentiment d’exaltation intense qui m’habitait, le sentiment aussi d’une grande liberté, la joie profonde de découvrir un sens véritable à ma vie, tout cela emportait mes doutes et mes angoisses et me faisait aller de l’avant sans plus hésiter.
Comme par enchantement, je trouvais une chambre de bonne rue de Rennes et un emploi d’archiviste à mi-temps dans une entreprise qui avait son siège du côté de la Gare Saint-Lazare. Je travaillais le matin et passait mon temps l’après-midi et jusque tard dans la nuit à lire Henry Miller et tous les auteurs dont il parlait dans ses livres, à me promener dans Paris sur les traces de Miller et d’autres écrivains ou artistes qui avaient nourri ou nourrissaient ma quête. C’est à cette époque aussi, toujours sous l’impulsion millérienne que je commençais à étudier l’Astrologie, les sciences ésotériques, le yoga et les différentes religions.
Parmi les auteurs dont parlait Miller – et que je suis donc allé voir – figurait un certain Jiddu KRISHNAMURTI. Une phrase de lui notamment citée par Miller provoqua un véritable déclic en moi. Elle disait à peu près ceci : « Messieurs les hommes politiques, vous qui voulez transformer le monde, vous qui voulez transformer les autres, commencez par vous transformer vous-mêmes ! » Cette injonction, qui peut paraître évidente aujourd’hui pour tous ceux qui se sont engagés dans un processus de développement personnel, ne l’était pas vraiment à ce moment-là. Je venais d’un milieu politisé, je m’étais moi-même, à une certaine période, impliqué avec conviction dans des mouvements qui se donnaient précisément pour mission de transformer le monde. Ce désir d’œuvrer à l’émergence d’un monde meilleur et plus juste à travers des engagements politiques a, pendant longtemps, était une évidence pour moi. C’est d’ailleurs pour cela que j’avais entrepris mes études de sciences politiques. Pourtant, quand je côtoyais tous ces militants passionnés, animés par une réelle conviction et dont je ne doutais pas des bonnes intentions, je ressentais comme un malaise au creux de moi-même : comment pouvait-on continuer à se comporter, dans la vie quotidienne, comme des personnes non conscientes quand on prônait de tels idéaux élevés ? Il me semblait que si on voulait changer vraiment les choses, il fallait vraiment commencer à les changer dans la vie de tous les jours en apprenant à mieux aimer, à mieux considérer l’autre et les autres, à mieux élever les enfants, à être ouvert à la différence de l’autre, à mieux faire l’amour…Quand, timidement, j’essayais d’exprimer ce sentiment dans les réunions politiques auxquelles je participais, j’étais aussitôt traité « d’individualiste petit-bourgeois », égoïste et romantique.
Peu à peu, je me suis éloigné de tout engagement politique mais, par éducation et par conviction, la politique continuait à être un paramètre important dans ma perception du monde. Comment faire, me disais-je, pour que naisse un monde plus juste, si ce n’est en transformant le cadre socio-économique qui nous conditionne et nous empêche d’être vraiment nous-mêmes ? Mais je me rendais compte que cela ne marchait pas vraiment car, dans tous les pays qui avaient radicalement transformé les anciennes structures contraignantes, aucun mieux-être n’était apparu et même si, dans certains de ces pays, la condition matérielle de leur population pouvait s’être quelque peu améliorée, ce que je pensais être le vrai sens de la transformation n’avait pas eu lieu, bien au contraire.
Aussi cette phrase de KRISHNAMURTI fut pour moi une véritable révélation. J’entrepris alors la lecture de tous ses entretiens et livres et ce que j’avais ressenti confusément depuis toujours se trouvait éclairé et confirmé par cet homme d’une haute stature morale et spirituelle. Avec le recul et en lisant ou relisant aujourd’hui (décembre 2006-janvier 2007) certains de ces textes, je prends une conscience encore plus aigue du rôle que cet homme a joué dans ma vie à cette époque de rupture dont je parle. Il m’a confirmé dans mes choix et, sans doute plus que tout autre, il m’a donné le courage d’accomplir cette rupture en lui donnant son sens et sa profondeur. Cela, je l’ai toujours su, mais, en cette période où je vis le deuxième retour de Saturne qui est à la fois une période de bilan et de préparation au troisième cycle, cette évidence m’apparaît encore plus…évidente !
Durant ces trente années, j’ai suivi le parcours que je retrace par ailleurs pour témoigner de mon cheminement déjà en tant qu’astrologue mais aussi en tant que chercheur de vérité. Je n’ai pas oublié, loin s’en faut, Krishnamurti d’autant plus que je cite souvent cette fameuse phrase (« Messieurs les hommes politiques… ») dans mes séminaires et dans mes conférences. En cette heure de bilan, les « circonstances de la vie » me remettent face à sa pensée comme pour me dire : »Voyons, ce que cet homme a dit et qui a eu une telle portée dans ta vie, est-ce que c’est rester lettre morte, simples réflexions intellectuelles ou est-ce que tu l’a vraiment mis en pratique dans cette vie ? » Par bien des côtés, mon engagement dans la vie a certes suivi l’impulsion donnée par Krishnamurti, notamment cette nécessité de rupture avec le cadre de la prison. Pour avoir été fidèle, le plus possible à cet engagement, ma situation sociale et matérielle n’est pas spécialement rassurante. De manière plus subtile, en ce qui concerne la transformation intérieure à laquelle m’invitait Krishnamurti il y a 30 ans et à laquelle j’ai précisément consacré ces 30 ans, je dois reconnaître que je suis encore loin du compte même si j’ai aussi le sentiment d’avoir avancé quelque peu. Il serait prétentieux de ma part, même si intellectuellement j’ai appris à maîtriser les concepts, les idées, les outils, même si pratiquement je les incarne dans ma vie, il serait prétentieux de dire que « ça y est, j’y suis » ! A cette étape de ma vie, le constat que je peux faire, c’est que si la conscience des enjeux et du sens est réellement là, profondément enracinée, par bien des aspects je me comporte encore maladroitement, voulant dire par là d’une manière encore motivé par d’anciens schémas. Bref, la rupture avec le système extérieur, comme le dit Krishnamurti, n’est pas suffisante même si elle peut paraître nécessaire. En fait, le plus dur et le moins évident c’est la rupture totale avec ce que ce système extérieur a imprimé en nous de schémas intérieurs et c’est précisément avec ceux-là que se fait le cheminement de la transformation. Et cela est le sens même de la vie que ce cheminement est celui de toute une vie, de plusieurs vies.
Je vois de plus en plus autour de nous, des individus qui s’autoproclament « éveillés » ou que les autres considèrent comme tels. Sans aucun doute, être « éveillé » et totalement « libéré » est le but ultime. En ce qui me concerne, à ce moment précis, j’ai sans doute le sentiment d’être plus conscient que je ne l’étais il y a 30 ans, je sais clairement – toujours en ce qui me concerne – quel est mon but et ma finalité, mais je sais, tout aussi clairement et en toute honnêteté que le travail continue en permanence. C’est cette conscience et ce Chemin que je veux partager à travers mes séminaires, notamment dans le cadre de mon école d’Astrologie, car, de ce point de vue, l’Astrologie est un outil de la conscience. C’est aussi dans cet esprit que je voudrais partager avec vous ces quelques extraits de textes de Krishnamurti qui ont été essentiels dans le cheminement de ma vie. Puissent-ils vous inspirer également !
Si vous prenez le temps de lire ces textes et que, par ailleurs, vous êtes aussi astrologue ou vous vous intéressez à l’Astrologie et particulièrement à l’Astrologie de la Conscience qui est celle de Dane Rudhyar, si de plus, vous avez vraiment lu Rudhyar (pas seulement les livres portant sur l’Astrologie, mais ceux témoignant de sa profonde réflexion sur le sens de la vie et du monde comme par exemple Le Rythme de la totalité ou La Planétarisation de la Conscience), vous vous rendrez compte combien Krishnamurti et Rudhyar sont proches dans la formulation – chacun à sa manière – de la nécessaire transformation de notre vision du monde et de notre « être dans le monde ». Depuis 30 ans, à la suite de cette grande rupture, j’ai étudié l’Astrologie dans ce sens avec Germaine Holley et Charles Vouga d’un côté et Dane Rudhyar de l’autre (sans pour autant négliger les apports de la Tradition de même que ce que tout astrologue sincère a pu partager de ses recherches et ce quelle que soit son école). J’ai étudié nombre d’enseignements spirituels, différentes approches en psychologie des profondeurs (notamment Jung avec Claude-Marc Perrot qui fut mon analyste avant de devenir mon ami) et et en psychologie humaniste et transpersonnelle (Abraham Maslow, Carl Rogers, Stanislas Grof, etc. et particulièrement la Psychosynthèse de Roberto Assagioli). J’ai abordé les sciences ésotériques sous toutes leurs formes. Et, bien sûr, j’ai participé à nombre de séminaires de formation dans différents domaines. J’ai essayé, de mon mieux, de mettre en pratique dans ma vie quotidienne, à travers le prisme de ma propre individualité tel que mon thème natal le révèle, avec ses défis et ses potentialités, tout ce que j’ai reçu. Par dessus tout, la Vie en elle-même a été – et continue à être – mon plus grand Maître….
Si je raconte tout cela, ce n’est pas pour m’étaler et dire « Regardez ce que j’ai fait » ! C’est, encore une fois, pour témoigner d’un cheminement, avec ses grands moments d’intense ouverture et transformation et ses grands moments de remise en cause et de descente, qui sont d’ailleurs aussi des grands moments d’intense ouverture et transformation. Ce que je veux dire aussi c’est que tous ces chercheurs auxquels je me réfère qui m’ont inspiré, guidé, aidé à avancer, parlent tous de la même nécessité de transcendance (de « sublime » comme disait Assagioli).
En ces temps importants pour le devenir de l’Humanité, en cette période d’élections où la politique reprend dramatiquement le devant de la scène, il est aussi bon de lire ou de relire ce qu’en dit Krishnamurti:
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